Les regards sont tournés vers le futur, il est toujours plus moderne, toujours plus efficace. Ce futur est chargé d’une espérance : celle d’une vie délivrée des tourments humains. Ces tourments seraient-ils l’héritage d’un passé coupable ? Coupable, cet ancien monde, avec sa loi du plus fort, ses nations atomiques et leurs belliqueux principes d’exclusion ?

Fer de lance du futur, les grands projets urbains germent et animent les centres de nos villes multiséculaires. Les fouilles préventives, lancées lors des travaux de fondations mettent à jour alors des vestiges du passé. Un instant seulement, le monde s’arrête et suspend sa course à la modernisation, à la rentabilité, au confort.

 

« Arrête-toi juste un moment et regarde-moi. Apprends de moi » nous dit le vestige.

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, nous lui obéissons, à ce petit reste du temps ruiné par l’érosion ! La loi elle-même, nous l’ordonne. Qui es-tu, trace du passé, pour dompter l’ouragan du progrès ?

Tu es l’Histoire. Tu es une part d’âme, dans chaque homme, qui lui répète inlassablement : « je suis ton origine, si tu le souhaites, je peux donner un sens à ton avenir »

Tu n’existes plus, tu n’es plus qu’une empreinte sans vie apparente. Et pourtant, tu transpires de tout ce que tu pourrais raconter. Tu as le pouvoir de reprendre vie dans nos mémoires. Tu es un connecteur temporel infiniment plus efficace que n’importe quelle machine délirante de récit de science-fiction.

Et moi, petit Bourguignon du XXIème siècle, j’ai besoin de toi pour rencontrer ma terre, pour l’aimer, la faire aimer et écrire son avenir.

La Bourgogne, point de connexions fluviales, zone de rencontres des civilisations, d’échanges de richesses terrestres comme humaines !

C’est d’une terre de guerriers paysans dont je vous parle. Eduens, Séquanes et Lingons, d’âme et de cœur celtes, confiants dans l’immortalité de l’âme et dans la puissance tellurique de la nature. De ces rudes peuplades soumises par la puissance civilisatrice romaine, il est resté un désir mystique que les dieux de l’Empire, procurant luxe et confort, ne peuvent assouvir.

C’est de la lointaine Palestine et par la Narbonnaise, légion chargée de la Pax Romana en Judée, mais également par ces Orientaux, déracinés à cause de leur Foi, que s’installe en Provence, puis remontant jusqu’à Lyon, une lumière qui habite la nation entière depuis deux millénaires. 177, sous Marc Aurèle, quarante-huit Chrétiens subissent le martyr dans les arènes de Lugdunum. Ceux qui fuient, évangélisent au nord. Bénigne et Andoche pour Dijon, Symphorien et Thyrse pour Autun, Marcel et Valérien pour Chalon…   Du sang de ces martyrs venant de Grèce, de Palestine, de Syrie et de Turquie, naîtra les siècles suivants une institution religieuse et politique, qui jouera un rôle prépondérant dans la naissance de l’âme bourguignonne. Âme qu’insuffleront Gondebaud et Sigismond, princes burgondes et Patrices Romains.

Tour à tour adversaire dangereux et rival soumis, puis allié par le sang et frère d’armes du royaume Franc, la Bourgogne prend part à la naissance de la France. Son influence religieuse fondatrice de l’art Roman, sa sainte princesse Clothilde, instrument de la politique divine, ses premiers ‘Dux’ – fins stratèges, forgent une âme qui va ensoleiller l’Europe entière. Cluny, Cîteaux en seront le cœur ardent, les œuvres de charité, la musique, la peinture, la sculpture et l’art de vivre en seront ses rayons. L’habileté politique et l’ambition de ses grands ducs fait de la Bourgogne la petite sœur turbulente et presque fratricide du Royaume des Fleurs de Lys. Après le Téméraire, La Bourgogne politique meurt, mais son âme survit. Attachée à la Ligue Catholique lors des guerres de religion, elle sait contenir les débordements de la Saint Barthélemy par de sages dispositions rappelant l’état d’esprit Burgonde lors des conflits Ariano-Nicéens. Gouvernée à distance par des princes mécènes des Art et des Lettres, jusqu’à la Révolution, la Bourgogne et son Comté ne constituent plus qu’une région parmi d’autres dans une France somme toute très administrative. On sent encore ses soubresauts d’âme quand on parle de l’excellence de ses vignes, des produits du Terroir. Mais sa mémoire survit-elle ?

Je vous propose de revenir dans le temps, et balayer avec moi, par le biais de petites nouvelles, l’histoire de la Bourgogne.